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Photo du rédacteurJenny Lloret

Faux il n'y a pas de cartographie sur la langue

Reprise de conférence en ligne sur la dégustation de vin


Retour sur la conférence des vendanges du savoir depuis l’auditorium de la cité du vin malgré sa fermeture en raison de la crise sanitaire

Sous le label les Vendanges du Savoir, ce rendez-vous met en avant des chercheurs qui viennent présenter l’état de leurs travaux et échanger avec le public sur des sujets relatifs à la vigne et au vin. Avec le soutien de la société Baron Philippe de Rothschild et de la fondation Bordeaux Université.

Les vendanges en ligne - Le vin en équilibre sur les papilles - Mécanisme de la perception aromatique

En partenariat avec l'Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, l’université de Bordeaux et l’université Bordeaux Montaigne


Le vin en équilibre sur les papilles par Axel Marchal


Axel Marchal, professeur en œnologie à l'Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, a travaillé avec Denis Dubourdieu sur la saveur sucrée des vins secs et il s’est aventuré sur un autre challenge pour expliquer l’amertume lorsqu’on s’écarte des polyphénols traditionnel du vin. C’est un dégustateur averti qui enseigne le diplôme universitaire d’aptitude à la dégustation des vins et il conseille un grand nombre de propriétés viticole en vinification.

Aujourd’hui on parle beaucoup de problème de goût (agueusie), et durant cette conférence on va mettre entre parenthèse ce problème pour parler du goût et de nos papilles.

Avec Axel Marchal, nous abordons les mécanismes de perception des saveurs, l’origine du goût du vin ainsi que les paramètres pouvant l’influer.



Le goût et le vin


Lorsqu’on parle de goût on est tenté de consulter l’ouvrage de référence de : Brillat-Savarin qui s’appelle Physiologie du goût. Dans cette œuvre la partie dédiée au vin est très limité à cette seule définition :

« Le vin est une liqueur qui se fait avec le fruit de la vigne ».

Le caractère très laconique de cette définition value en son temps, en son auteur d’être la cible d’une violente réaction de Charles Baudelaire en préambule des Paradies artificiels. Au-delà de la querelle littéraire on peut rejoindre Baudelaire sur la frustration que l’on peut ressentir en lisant cette seule définition. Qui ne témoigne absolument pas de toute la diversité du vin de son goût, de ses nuances, et de sa finesse.

Alors pour parler de goût, l’ouvrage conseillé est celui d’Emile Peynaud, Le goût du vin. La bible de l’amateur du vin et de la dégustation. Emile Peynaud traite de la dégustation de façon générale. Véritable ouvrage de référence, ce livre aide chacun à mieux comprendre les vins d’aujourd’hui, à mieux connaître pour mieux savourer, pour son plus grand plaisir.


Les expression évoquant le goût comme :

"Selon mon goût à moi… Goût de bouchon ? Goût des autres ! Perte de goût ? Il me laisse comme un goût amer…"

expliquent que le mot goût est un terme qui a de nombreuses acceptations.


Définition du GOÛT :

Le goût est l’un des cinq sens : il renseigne sur les saveurs et la composition des aliments. Chacun d'entre nous a son propre registre d'aliments préférés, qu'il prend plaisir à manger.

Le sens du goût permet de percevoir les quatre saveurs élémentaires dont le mélange fait toutes les saveurs : le sucré, le salé, l'acide et l'amer. Le sens du goût, qui autorise la perception des 4 saveurs élémentaires, est suppléé par le sens de l'odorat pour d'autres sensations plus fines. C'est la raison pour laquelle on confond souvent une atteinte du goût avec celle de l'odorat.

Les sensations gustatives prennent leur origine dans les bourgeons du goût situés sur la langue, le voile du palais, les parois latérales et postérieures de la gorge. Il s’agit de récepteurs sensoriels constitués d’un groupe de cellules stimulées par des excitants gustatifs spécifiques. Les informations recueillies par ces cellules sont transportées par différents nerfs crâniens jusqu’au cerveau.

Un des cinq sens, renseignant sur les saveurs et la composition des aliments.

Saveur de quelque chose, caractéristique reconnaissable par le sens gustatif : Un goût salé, amer. Un goût de brûlé.

Capacité à discerner ce qui est beau ou laid selon les critères qui caractérisent un groupe, une époque, en matière esthétique : Elle a du goût. Maison meublée avec goût.

Attirance pour un aliment, une boisson, quelque chose ou quelqu'un : Il a le goût du risque.

Littéraire. Impression qui reste de quelque chose : Le goût amer des souvenirs.


Cette confusion entre goût et odeur tient de la localisation à la perception du goût.

En bouche nous pensons souvent que nous avons qu’un seul sens : le Goût !



3 Sens en bouche : le toucher, le goût et l'odorat


Mais en réalité nous pouvons toucher par premièrement, la langue et les papilles, l’astringence cette sensation tactile de rugosité. Ce qui fait qu’en bouche nous avons la langue qui sert aussi de deuxièmement sens tactile et qui touche. Puis un troisième sens intervient l’odorat puisque nous avons la rétro olfaction très bien connu des dégustateurs.

La rétro olfaction est le fait de sentir par la bouche. Les molécules volatiles remontent jusque dans la cavité nasale donnant lieu à une perception olfactive.

Donc quand on a un aliment en bouche avec du goût, du toucher et de l’odorat.

Ce point est très important. Souvent il y a confusion entre arôme et saveur. Par exemple dans le vin l’arôme de la fraise est très souvent décrit comme un goût alors que c’est un arôme. Le goût lui est lié à la perception des saveurs.


Avec la célèbre citation de Colette :

« Seule, dans le règne végétal la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre. »

En posant un regard scientifique sur cette célèbre citation on peut donner l’explication suivante : les molécules donnent le messager de la terre à la tête. La vigne synthétise les molécules selon la variété, les conditions, la nature du sol, les pratiques humaines associées. C’est ce que l’on appelle le terroir, ensuite ces molécules vont être libérées pendant la vinification. Puis ces molécules vont évoluer par un élevage en barrique ou lors du vieillissement du vin. Enfin se sont ces molécules qui vont venir titiller les sens du dégustateur. A la fois sa vue, son odorat, son toucher et son goût.

L’œnologie est donc placée par analyse chimique dû aux molécules et sensorielle reçu par la perception.

Le goût est perçu dans la bouche grâce aux papilles.

Les papilles en forme de calice dites caliciformes ont un sillon remplit de salive. Dans ce sillon on trouve les bourgeons du goût. Ces bourgeons du goût sont constitués d’une centaine de cellules gustatives avec à leur extrémités des récepteurs gustatifs. Ces récepteurs gustatifs interagissent avec le flux salivaire en apportant les molécules de message nerveux. La perception du goût se fait donc dans la bouche par une détection qui génère un message nerveux transmis par les 3 nerfs gustatifs qui sont la chorde du tympan, le nerf glossopharygien et le nerf vague. Le goût est donc d’abord perçu dans la bouche😋 pour naitre dans le cerveau🤯.


Les saveurs : le sucrée, l'acide, l'amertume, le salée et l'umami


Le goût se décrit avec des mots associés aux saveurs. La saveur sucrée (fructose et saccharose qui est le sucre de cuisine), l’acide (acide citrique, citron), l’amertume (caféine, quinine) et la saveur salée (chlorure de sodium, sel de cuisine). On ajoute à cela, la saveur savoureuse umami (glutamate savoureuse, aubergine, consommé de bœuf). Cette saveur est le goût d’acides aminés le glutamate.


Ces 5 saveurs nous permettent de décrire ce que l’on perçoit lorsque l’on goute. Elles peuvent être insuffisantes pour exprimer une description. Faut voir ces saveurs comme des couleurs primaires (bleu, jaune, rouge). Nous n’avons pas 5 saveurs comme un choix stricte mais un continuum de saveurs tout comme les couleurs. Le cas de l’aspartame démontre bien cela. Il est sucré et amer. Tout corps soluble possède une saveur qui lui est propre. Il est important d’avoir bien en tête qu’il n’y a pas de cartographie générale de la perception des saveurs sur la langue.


cartographie-saveurs
La cartographie des saveurs n'existe pas !



Les récepteurs gustatifs selon les différentes saveurs sont classés en 2 familles


  1. Canaux ionique c'est-à-dire qu’ils laissent entrée des ions qui permettront de généré un signal. C’est le cas de la saveur acide et de la saveur salé.

  2. Récepteurs couplés aux protéines G pour l’amer, l’umami et la saveur sucrée.

Nous avons 1 seul récepteur à l’acide, 1 seul récepteur au salé, 1 seul récepteur à l’umami, et 2 récepteurs au sucrée et 25 récepteurs à l’amertume. On a donc une grande diversité de goût amer qui peut être perçues.


Pour les 2 récepteurs du sucre il n’y a pas de sensibilité générale à une saveur. On peut être très sensible au saccharose et très peu à l’aspartame. Très sensible à la stévioside et peu au saccharose. Il n’y a pas de corrélation au niveau de la sensibilité entre une molécule et une autre. C’est vraiment composé par composé et ce n’est pas une saveur générale. Tout comme d’un individu à un autre on n’a pas du tout les mêmes sensibilités aux mêmes molécules, il peut y avoir des écarts conséquents. En revanche pour les composés amers il y a une très forte sensibilité. Par exemple, la quassine qui est un composé végétal présent dans certaines plantes est le composé le plus amer que l’on connaisse avec un seuil de détection extrêmement bas.

Ces détections se relient à des fonctions physiologiques comme une attraction ou une répulsion à ces substances de façon innée.

Par exemple, l’attrait pour le sucre est un besoin corporel d’énergie, le sel permet de maintenir un équilibre électrolytique. L’attrait à l’acide nous permet de mesure notre sensibilité à la maturité des fruits, et de détecter d’éventuelles contaminations microbiennes. La sensibilité élevée à l’amertume nous permet de détecter les toxines, un certains nombres de substances amères sont toxiques, l’enfant à souvent cette répulsion innée à l’amertume.


Les animaux et les récepteurs :

  • la grenouille à 51 récepteurs à l’amertume ;

  • le dauphin n’en a pas car c’est un carnivore il ne mange pas des végétaux potentiellement toxiques et il a perdu tous ses récepteurs à l’amertume ;

  • le chat n’est pas sensible au sucre au fur et à mesure de son évolution l’a perdu mais il est capable de détecter l’umami ;

  • le panda géant lui était capable de détecter l’umami, mais avec le temps, étant végétarien il n’a plus ce récepteur.

Maintenant qu’Alex Marchal, nous a expliqué les mécanismes de la perception il aborde l’équilibre du vin.



L’équilibre du vin


La qualité d’un vin repose sur 2 éléments importants :

  1. la typicité aromatique liée à des composés volatils qui vont stimuler l’odorat ;

  2. et l’équilibre gustatif liée à des composés non volatils qui vont stimuler le goût.

Dans les vins blancs, Emile Peynaud définit ces équilibres gustatifs résultant d’une balance entre l’acidité et le moelleux. Dans les vins rouges il y a une troisième contribution qui est l’amertume.



D’où vient le goût du vin ?


Il vient des molécules du raisin avec l’effet terroir comme nous l’avons vu plus haut.

Les fermentations contribuent également aux variations gustatives. Puisque les microorganismes (levures et bactéries) sont capables de former des saveurs sucrées ou de les dégrader. Une troisième contribution est apportée par le bois de chêne qui peut libérer des molécules avec un goût sucrées. Et enfin au cours du vieillissement du vin par réaction chimique des molécules sapides se forment et viennent modifier l’équilibre gustatif du vin. Par exemple les amateurs de vieux liquoreux parlent souvent que le vin vient manger ses sucres en vieillissant. Alors que la teneur en sucre est la même mais on a une perception diminuée en bouche.



Ce qu'on trouve dans le vin


L’acide tartrique (le support majeur de l’acidité dans le vin, il est apportait par le raisin), l’acide malique et citrique n’ont pas de saveur.

L’acide acétique a le goût du vinaigre, acide lactique est moins acide que l’acide malique, lorsque le vin à fait sa fermentation malolactique il devient adoucit.

L’acide succinique formé par les levures qui a un goût acide et également umami.


Dans le raisin on trouve des sucres (fructose et glucose) formés par la photosynthèse au cours de la maturation du raisin mais consommés par les levures. C'est-à-dire que dans les vins secs, on ne perçoit plus les sucres (fructose et de glucose). En revanche dans les vins liquoreux la saveur sucrée est conférée par le fructose et le glucose naturellement présents dans le raisin et qui n’ont pas été entièrement consommés par la levure. Car ils sont transformés en éthanol qui lui a une saveur à la fois douce et amère. Mais sa contribution à la saveur sucrées des vins secs est nulle, par contre il contribue de façon aromatique et somesthésique à la perception sensorielle.


Le glycérol n’a pas d’impact sur le goût sauf sur les vins liquoreux à forte concentration.


La dimension amère est liée aux composés du raisin provenant des tanins.


Le goût change au cours de la vinification.



Le vin est un produit culturel


Le Professeur Denis Dubourdieu définit la vinification :

« comme l’acte de guider le phénomène de la transformation du raisin en vin, en intervenant le moins possible, mais à bon escient »

Cette définition concentre tout l’esprit de la vinification Bordelaise, c'est-à-dire faire du vin c’est un phénomène culturel. Le vin n’est pas un produit naturel. Le raisin est un produit naturel, il y a une transformation du raisin en vin qui se fait sous l’effet des microorganismes et guidé par l’homme. Depuis des millénaires l’homme fait du vin et au fil du temps il a affiné ses techniques.



La sucrosité du vin une histoire de pépins


Si l’on compare des vins ayant subits ou pas une fermentation post fermentaire pendant 10 jours à 30°C, on constate qu’il y a une différence de sucrosité. Le vin qui a fait cette fermentation post fermentaire à gagner en moelleux. Et pourtant sa teneur en sucre est exactement la même.

Si on regarde un autre livre d’Emile Peynaud Le vin et les jours, l’expérience historique de la vinification du moût seul, puis du moût et des pellicules, et enfin du moût avec les pellicules et les pépins. Les résultats montrent que le moût seul aboutit à un faux vin qui nécessiterait une acidification. Le moût avec les pellicules se goutent plat et incomplet. Et enfin, le moût avec les pellicules et les pépins est le plus équilibré, moelleux et velouté.



Cette expérience montre que les pépins du raisin apportent du moelleux. Lorsqu’on croque dans un pépin de raisin on n’imagine pas que le pépin peut apporter du moelleux, sauf que dans la réalité en vinification le pépin n’est pas écrasé.


Après avoir reproduit cette expérience en la traitant avec des analyses sensorielles actuelles le résultat est similaire, la sucrosité est plus importante avec les pépins que sans. Alors qu’au niveau chimique il n’y a pas de différence en sucre. Les pépins possèdent un goût sucrés mais ne sont pas des sucres. On ne connaissait pas ses composés et on a cherchait à les identifier.

On a pris des pépins macérés et on a fractionné les différentes molécules pour trouver des composés purs qui possèdent un goût sucré. Un travail de nombreux mois qui prouve qu'il y a bien des saveurs sucrées dans le pépin qui ne sont pourtant pas des sucres.


La connaissance apporte de la liberté. En maitrisant les pratiques ancestrales on connait un phénomène et on est capable de le reproduire.

On sait qu'au cours de l'élevage des arômes de noix de coco, de vanille se forment mais comprendre scientifiquement ce qui se passe permet de maitrise le sujet. L'idée n'est pas d'apporter de l'aromatisation dans le vin. Juste comprendre le phénomène pour pouvoir le contrôler et les pérenniser.

Différentes expériences sont réalisées sur des barriques, des cuves inox, des cuves ciment, avec à l’issue de ces élevages des sucrosité différentes alors qu'ils n’ont pas plus de sucre. Il y a donc bien après expériences, thèses et analyses l’observation d’une quarantaine de composés naturellement présent dans le bois libérés au cours de l’élevage dont certaines apportent des saveurs sucrées au vin.


Alors quelles applications à avoir, en œnologie


Pour rappel, en œnologie il y a une partie de compréhension mais c’est une science appliquée dans le but de guider certains mécanismes de l’élaboration du vin.


Globalement, en Europe, en tonnellerie on utilise 2 espèces de chênes : le chêne Séssile et le chêne pédonculé.

Le chêne Séssile a toujours été préféré pour l'élevage des vins.


Alors, Alex Marchal et son équipe ont voulu savoir ce qui se passait. Des essais et des études menés en partenariat avec UMR BIOGECO sur l'influence de l'espèce de chêne sur la teneur en triterpènes sapides. Il y a beaucoup plus de composés à saveurs sucrés dans le chêne Séssile que dans le chêne pédonculé. Et en dégustation, les vins les plus appréciés sont ceux qui ont les composés aux saveurs sucrés.


Pour terminer, la dégustation est quelque chose de subjectif et de délicat. Et grâce à une collaboration de l'équipe de Loïc Briand au CSGA de Dijon à été mis en place des détections en utilisant directement les récepteurs gustatifs qui sont exprimés dans une cellule. C'est donc une nouveauté de dégustation in vitro.


Ce message de le Terre à la Tête du départ de cette conférence, ramène à cette collaboration avec l'université de Bordeaux du centre d'imagerie dans la recherche des activations générés par divers composés sapides en étudiant les mécanismes cognitifs impliqués dans la dégustation. Pour de façon générale comprendre ce qui se passe dans le cerveau du dégustateur quand il déguste.


Le spécialiste du goût Loïc Briand qui travaille au service du goût et de l'alimentation à Dijon a sorti un livre sur le goût, si vous voulez en savoir plus c'est par ici : Le goût une affaire de nez.


Au plaisir de vous retrouver autour d'un verre de vin pour en discuter, car vraiment écouter un professionnel en parler et pouvoir vous le partager remet des pendules à l'heure pour tous ceux qui se disent des Pros de la dégustation de vin sur internet et qui n'en sont pas du tout.




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